En corps – Hommage à Picasso – Vallauris- Buitrago – XIII – 2024

 

À Picasso :
Tu as brûlé le pain bénit de la beauté.

Paul Eluard

Un hommage à Picasso sous le signe du Corps sonne comme une évidence. Au cours de sa longue histoire d’amour avec la peinture, la représentation de la figure humaine ne cesse de nourrir sa réflexion artistique et occupe une place essentielle dans l’ensemble de son œuvre où le genre de la nature morte et du paysage sont très peu présents.

Ce qui passionne Picasso dans sa représentation du corps, c’est l’occasion de se mesurer à l’héritage de la peinture classique. Il met sa puissance créatrice au défi de renouveler la représentation du corps féminin – et tout particulièrement le nu-, questionnant tout autant l’imitation du réel que le respect des codes esthétiques qui lient la beauté à un idéal de proportion et d’harmonie. D’expérimentations en innovations formelles audacieuses, depuis les monochromies en Bleu ou Rose du temps de sa jeunesse montmartroise jusqu’aux nus d’un érotisme cru de ses dernières années il déploie toutes les ressources picturales pour créer de nouveaux langages expressifs. Mais c’est en 1907 qu’il va révolutionner l’histoire de la peinture occidentale : il ose la peinture plane qui abolit la perspective et, transgressant tous les codes figuratifs traditionnels, il déconstruit

et « dé- figure» les corps des Demoiselles d’Avignon. Il ouvre ainsi la voie au cubisme, qui décompose les formes des sujets choisis en éléments géométriques et démultiplie les points de vue pour montrer toutes les facettes d’un même motif.

Pour que l’art prenne l’ascendant sur la nature, avec une immense liberté et une énergie inépuisable, Picasso repousse toujours plus loin les frontières de l’expression artistique pour refléter son regard sur le corps et sur le monde, plutôt que d’imiter ce qu’il regarde. C’est sa perception intime des corps qu’il représente dans sa peinture, sa sculpture et même dans ses créations céramiques où il s’attache souvent à faire surgir des corps à partir des formes traditionnelles.

L’héritage artistique que laisse Picasso est monumental, il a marqué durablement l’évolution de la création artistique du XXème siècle et a ouvert pour des générations d’artistes un chemin de liberté. « Picasso m’a appris à courir plus vite que la beauté », disait Jean Cocteau, qui ajoutait : « Celui qui court à la vitesse de la beauté ne fera que pléonasme et cartepostalisme ».

Madeleine Arias